Acid Arab sort enfin son troisième album: (Trois). Le collectif franco-algérien livre dix bangers, pépites composites enrichies de nombreuses variétés de la langue arabe. Wael Alkak, Cem Yildiz, Ghizlane Melih, Khnafer Lazhar, Sofiane Saïdi, Fella Soltana, Cheb Halim et Rachid Taha sont les huit chanteuses et chanteurs qui se sont joints à Acid Arab pour créer cet album incarné et cérébral. Gasba algérienne, transe anatolienne, dabkeh synthétique ou raï bionique. Après une décennie passée à voyager autour du monde, le collectif maîtrise ses cartes et se joue des territoires musicaux: "Nous sommes conscients d'avoir développé un principe de composition mais nous sommes attentifs à ne pas répéter une certaine formule à chaque album" explique le groupe. "C'est le rapport de travail avec les artistes qui nous pousse à emmener le concept encore plus loin". "Trois" s'ouvre avec Leila, morceau chanté par Sofiane Saidi, auteur et interprète d'un raï instinctif, dédié à la fête et à l'extase. "Sofiane est présent depuis notre première sortie, il interprétait La Hafla sur Musique de France. "L'album se poursuit avec Döne Döne, interprété par Cem Yildiz, chantre de l'hybridation électronique en Turquie. "Un invité majeur. Nous aimons l'aspect profond qu'amène son style très psyché." Ce multi-instrumentiste revisite une cérémonie d'élévation turque, dont il porte d'ailleurs le prénom (qui se prononce "djem"), un rituel mystique religieux. Lui aussi collabore avec Acid Arab depuis leur premier album (le titre Stil).La transe s'invite sur le dancefloor avec Ya Mahla, qui sonne les retrouvailles entre Acid Arab et l'artiste de dabkeh syrien post-chaabi Wael Alkak. Il avait été pressenti en 2014 pour devenir le claviériste du groupe. "Retrouver Wael sur un morceau commun, une décennie après notre rencontre, fut comme une évidence. Ya Mahla porte ce côté hymne, avec ses paroles engagées: Quelle beauté le mot Liberté / Je salue les peuples arabes / Quelle beauté le mot Liberté / Je salue les révolutionnaires arabes [...] Allah, Allah le plus grand / protège les familles des révolutionnaires." Un message fort, servi avec un lead de clavier hypnotique sur une production linéaire, dans l'esprit des travaux rythmiques d'un Superpitcher ou d'un Rebolledo.Cheb Halim est le quatrième invité de ce nouvel album. Chanteur de raï, Halim incarne aussi le "aroubi", genre musical profondément ancré dans la ruralité algérienne. Le duo parvient à un accord équilibré, créant une zone d'expression musicale commune sans qu'aucune des parties ne soit forcée à faire de concessions. Une dynamique qui s'exprime également pleinement sur les morceaux Habaytak, avec la voix de la diva marocaine Ghizlane Melih, ou sur Gouloulou, aux côtés de l'illustre Fella Soltana, anciennement connue comme Fella Ababsa, star du raï 90s en Algérie, qui a stoppé sa carrière en 2018. Sur Acid Chawi, en collaboration avec le chanteur algérien Khnafer Lazhar et un joueur de gasba originaire de Constantine, Acid Arab affirme son goût pour les esthétiques brutes: "Nous sommes très attachés aux sons traditionnels de la gasba." Avec sa production acid house couplée à l'énergie farouche de l'ensemble emmené par Khnafer, Acid Chawi est littéralement le morceau le plus Acid Arab du tracklisting de "Trois" . Le disque se poursuit sur d'autres retrouvailles, virtuelles cette fois-ci: "Nous fréquentions Rachid Taha durant les dernières années de sa vie (il est décédé le 12 septembre 2018). Après un gueuleton à Belleville, nous sommes allés chez GilbR du label Versatile. Cette nuit-là, Rachid a improvisé naturellement, sur un morceau de Detroit et nous l'avons enregistré sur un smartphone." Un prêche nocturne qui, six ans plus tard, trouve sa place sur Rachid Trip, production technoïde tendue à souhait. Dans le morceau Emo, c'est Kenzi Bourras (le clavier du groupe) qui prend le micro, sur une production noire et cérébrale largement influencée par la nébuleuse détroitienne de Dopplereffekt. Il donnait déjà de la voix lors des concerts de Rachid Taha, quand ce dernier lui laissait la place pour le standard traditionnel Abdel Kader. Sur Emo, la voix de Kenzi, ultra traitée, robotisée, flirte avec l'inconnu. Le troisième album d'Acid Arab se clôt sur Sayarat 303 Part 2, longue montée technoïde instrumentale qui offre ainsi un dénouement à Sayarat 303, titre paru sur Musique de France. Né de la rencontre entre Pierre-Yves Casanova, Nicolas Borne, Hervé Carvalho, Guido Minisky et Kenzi Bourras, Acid Arab a publié deux albums largement célébrés (Musique de France en 2016 et Jdid en 2019), créé une série de compilations, un label, imaginé des "concerts dessinés" avec l'illustratrice libanaise Raphaëlle Macaron et effectué de nombreuses dates turbulentes à travers le monde. Aujourd'hui, le groupe présente "Trois" (trois), en arabe) et entame une tournée mondiale qui permettra aux publics de découvrir ces nouveaux morceaux dans leur version scénique.
